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Liberté d’expression et droits de l’homme bafoués par les états européens depuis la COVID-19

Un rapport accablant du Conseil de l’Europe sur l’impact de la Covid-19 et des mesures qui en découlent sur la liberté d’expression dans les États membres du Conseil de l’Europe nous montre que les droits de l’homme et la liberté d’expression ont été largement bafoués depuis l’apparition du COVID-19.

La pandémie a exacerbé les faiblesses préexistantes dans la protection de la liberté d’expression dans les États membres, notamment en ce qui concerne les pressions financières et économiques exercées sur les médias, ce qui compromet davantage l’indépendance et le pluralisme des médias.

Lorsque la pandémie s’est installée, dix États membres du Conseil de l’Europe ont déclaré l’état d’urgence total ou partiel, donnant aux gouvernements le pouvoir de prendre des mesures de manière accélérée dans le but déclaré de maîtriser la pandémie. Neuf pays ont présenté des notifications de dérogation à la Convention européenne des droits de l’homme, mais aucun n’a dérogé spécifiquement à l’article 10, qui protège le droit à la liberté d’expression.

Certains États membres ont déclaré des situations d’urgence pour une période déterminée, d’autres pour une durée indéterminée.

En juillet 2020, l’état d’urgence avait été levé dans presque tous les États membres du Conseil de l’Europe alors qu’en France, la fin de l’état d’urgence n’a été levée que le 1er août 2022 ! Soit plus de deux ans après la majorité des Etats membres…

Les types de mesures introduites dans le cadre de l’état d’urgence comprenaient généralement :

  • interdiction de briser le « confinement » qui avait été introduit partout en Europe,
  • interdiction de rassemblements publics de plus d’un certain nombre de personnes,
  • restrictions limitant la mobilité, notamment l’utilisation des transports publics,
  • fermeture des entreprises non essentielles,
  • restrictions à la liberté d’expression et à l’accès à l’information (dans certains cas, ces restrictions, imposées initialement en vertu des pouvoirs d’urgence, ont été maintenues dans le cadre d’une législation permanente).

La pandémie a également entraîné des retards dans le traitement des demandes d’accès à l’information, et plusieurs États, dont la France, la Géorgie, l’Italie, la République de Moldova et le Royaume-Uni, ont suspendu les délais ou accordé des prolongations générales.

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Dans ce contexte, il convient de rappeler que, conformément à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme et à la Convention européenne des droits de l’homme sur l’accès aux documents officiels («Convention de Tromsø»), toute ingérence dans le droit d’accès à l’information doit être prévue par la loi, nécessaire et proportionnée. Les demandes d’accès aux documents officiels doivent être traitées rapidement et les refus doivent être soumis à un tribunal ou à une autre procédure de recours indépendante.

Restrictions abusives des Etats membres du Conseil de l’Europe pendant la pandémie du COVID-19

De nombreux États membres du Conseil de l’Europe ont donc introduit des mesures, soit des restrictions catégoriques, soit des mesures positives prises par les gouvernements et autres pour promouvoir la circulation d’informations et d’analyses considérées comme de haute qualité.
Les restrictions comprenaient :

  • le retrait des informations jugées « fausses » ou «déformées »
  • la criminalisation de la «désinformation»

Certaines restrictions ont été incluses dans les décrets déclarant l’état d’urgence qui ont expiré à la levée de l’état d’urgence. D’autres États, cependant, ont introduit une nouvelle législation permanente, certains introduisant même des restrictions au-delà du contexte de la pandémie liée à la Covid-19.

Mais qui décidait – ce qui était « faux » ou «déformé» ?

Selon la Cour européenne des droits de l’homme, même en cas d’état d’urgence, tout doit être mis en œuvre pour sauvegarder les valeurs d’une société démocratique, telles que le pluralisme, la tolérance et l’ouverture d’esprit. Ce qui n’a pas été vraiment le cas !

La Commission de Venise a également souligné que même dans les situations d’urgence, les exceptions à la liberté d’expression doivent être interprétées de
manière restrictive et soumises à un contrôle parlementaire afin de garantir que la libre circulation de l’information n’est pas entravée de manière excessive. On peut s’interroger si les restrictions à la publication de « fausses » informations sur une maladie encore à l’étude peuvent être conformes à cette exigence, sauf s’il s’agit d’affirmations manifestement fausses ou carrément dangereuses.

Cela soulève la question de savoir si les restrictions qui ont été imposées au plus fort de la pandémie puis transférées dans une législation permanente sont conformes aux principes de stricte nécessité et de proportionnalité requis par l’article 10 de la Convention ?

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Selon les normes du Conseil de l’Europe, les situations de crise ne doivent pas servir de prétexte pour restreindre l’accès du public à l’information ou pour réprimer les critiques. Pourtant, pendant la pandémie de coronavirus, un certain nombre de poursuites pénales ont été engagées, ou des enquêtes policières ouvertes, contre des journalistes et d’autres personnes ayant critiqué les actions ou l’inaction du gouvernement.

Des lanceurs d’alerte réprimés

De nombreux lanceurs d’alerte se sont adressés au public pour alerter sur le manque d’équipements de protection, y compris pour les hôpitaux et le personnel soignant, ou sur l’insuffisance des mesures d’intervention.

Malheureusement, ils ont souvent subi des représailles, certains ayant perdu leur emploi, et ils n’ont pas toujours bénéficié de la protection de la loi. Par exemple, en Pologne et au Royaume-Uni, des infirmières et des aides à domicile ont perdu leur emploi parce qu’elles avaient tiré la sonnette d’alarme sur le manque de personnel et d’équipements de protection. Le parti politique au pouvoir en Pologne a suspendu plusieurs de ses membres qui s’étaient exprimés publiquement sur le faible niveau de préparation à la pandémie. Pourtant les lanceurs d’alerte sont essentiels à la diffusion d’informations capitales lors d’une pandémie comme celle du COVID-19.

Si les préoccupations liées aux droits de l’homme concernant l’utilisation d’applications de suivi et de localisation pour détecter plus rapidement les éventuels porteurs de coronavirus se sont concentrées sur le droit à la vie privée, on s’inquiète également de leur impact possible sur la protection de la confidentialité des
sources des journalistes. Alors que les applications de recherche de contacts continuent à être développées et deviennent opérationnelles, il est important de s’assurer que leur impact sur les droits à la protection des données, la liberté d’expression et les autres droits de l’homme restent proportionnés à tout moment.

Seulement 38 % font confiance aux médias d’information

Un journalisme de qualité, la confiance dans les médias et un public informé sont des éléments interdépendants et d’une grande importance pour le fonctionnement de la démocratie. Cela est d’autant plus vrai en cas de pandémie, lorsque le public recherche activement un journalisme de qualité.

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Des recherches ont montré qu’en avril 2020, alors que la plus grande partie de l’Europe était en état de confinement, il y avait une méfiance générale à l’égard des informations en ligne et, en particulier, des médias sociaux.

Une enquête mondiale représentative commandée par la Friedrich Naumann Stiftung en juillet 2020 a révélé que 34 % des Allemands pensaient que les médias traditionnels dissimulaient des faits sur le coronavirus en raison de la pression exercée par le gouvernement.

En conclusion

La pandémie de coronavirus a constitué une crise mondiale surévaluée, qui a obligé les états membres du Conseil de l’Europe à prendre des mesures extraordinaires sur la base d’informations et de connaissances en constante évolution et parfois contradictoires. Les médias ont joué un rôle important en fournissant des informations sur la Covid-19 et les mesures associées, et la consommation d’informations a augmenté de manière drastique.

Dans le même temps, les préoccupations relatives à la qualité de l’information ont conduit un certain nombre d’états à prendre des mesures qui ont eu un impact significatif sur la jouissance de la liberté d’expression à travers le continent. Si une restriction temporaire d’informations clairement fausses et potentiellement dangereuses peut être conforme à l’article 10, on peut s’interroger si des limitations formulées de manière vague à l’égard de « faits déformés » concernant une maladie encore à l’étude peuvent être conformes aux principes de nécessité et de proportionnalité, en particulier lorsque, comme on l’a vu dans certains états membres, elles sont transférées dans une législation permanente.


Source : Conseil de l’Europe Rapport complet sur l’impact de la Covid-19 et des mesures qui en découlent sur la liberté d’expression dans les États membres du Conseil de l’Europe

Voir aussi :

Tags : liberté d’expression, censure, droits de l’homme, censures, COVID-19

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